Selon l’article 787 B du code général des impôts, sont exonérées de droit de mutation, à concurrence de 75 % de leur valeur, les parts ou les actions d’une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale transmise par décès ou entre vifs si les conditions suivantes sont réunies.
Cette exonération s’applique également en cas de donation des titres consentie avec réserve d’usufruit.
Toutefois, dans cette hypothèse, le bénéfice de l’exonération est subordonné à la condition que les droits de vote de l’usufruitier soient limités dans les statuts aux seules décisions concernant l’affectation des bénéfices.
Cette restriction se justifie parfaitement. L’article 787 B du CGI constitue une dérogation à la norme fiscale de référence qui se justifie par les nécessités de la transmission d’entreprise. Encore faut-il que la transmission soit effectivement réalisée. Ce qui ne serait pas le cas si le disposant conservait réellement le pouvoir au travers du droit de vote?;
Il faut donc :
1. Vérifier avant la transmission que les statuts ne confèrent pas à l’usufruitier plus de droits de vote que ceux prévus par l’article 1844, al. 3 du Code civil.
Qu’est ce que cela signifie concrètement?? Que toute personne qui conseille ou assiste le donateur, doit vérifier la conformité des statuts aux exigences de l’article 787 B du CGI, ainsi interprété.
Ce qui signifie que si les titres à transmettre sont ceux d’une SA, il faut non seulement purger les statuts de la clause augmentant les droits de vote de l’usufruitier, mais également éviter l’application de l’article L. 220-110 du Code de commerce. En d’autres termes, il faut veiller à insérer une clause limitant exactement les droits de vote de l’usufruitier aux décisions d’affectation des bénéfices.
Cette condition ne fait pas obstacle à ce que les statuts réservent cette limitation à une partie des titres de la société.
Dans une affaire tranchée par la Cour d’appel de Paris en janvier 2019 (Cour d’appel de Paris, 15 janvier 2019, n° 17/06571), après avoir sollicité les conseils d’un avocat, deux époux ont effectué le 12 janvier 2008 une donation-partage à leurs enfants de 10 800 actions de la société Y en pleine propriété et de 66 816 autres actions en nue-propriété en demandant à bénéficier au titre de la transmission de ces dernières de l’exonération à hauteur de 75% des droits d’enregistrement prévus par l’article 787 B du code général des impôts.
Lors de l’assemblée générale ordinaire du 30 juin 2008 de la société Y il a été acté que « suite à la donation intervenue le 12 janvier 2008, la nouvelle règle de gouvernance concernant les décisions en assemblées générales (ordinaires, extraordinaires) suivent les conditions du pacte d’engagement, à savoir, pour les actions en pleine propriété et nue-propriété : décisions sur toutes opérations à l’exception de l’affectation des bénéfices réservée aux usufruitiers … cette règle s’appliquera durant toute la durée du pacte ».
Ce procès-verbal n’a cependant pas été suivi d’une mise à jour des statuts de la société.
L’administration notifia une proposition de rectification des droits d’enregistrement au motif que l’obligation prévue au dernier alinéa de l’article 787 B du code général des impôts, de limiter dans les statuts le droit de vote de l’usufruitier aux seules décisions portant sur l’affectation des résultats, n’avait pas été respectée. Les époux subirent un redressement de hauteur de 256 839 euros.
Les époux assignèrent en responsabilité le notaire rédacteur de la donation-partage et l’avocat consulté, mais la demande d’indemnisation fut rejetée en 1ère instance au motif que le préjudice invoqué par les époux était sans relation de causalité avec ces fautes, n’étant survenu que par suite d’une mise en œuvre inefficace de leur part des prescriptions légales de l’article 787 B du code général des impôts.
La Cour d’appel censure la décision sur ce point.
Pour les magistrats du second degré : le notaire était tenu de renseigner son client sur les conséquences des engagements contractés, cette obligation étant renforcée sur l’incidence fiscale de l’acte et plus particulièrement sur les conditions d’éligibilité à une défiscalisation ;
il n’en était pas dispensé par les compétences personnelles de ses clients ou par le fait que ceux-ci bénéficiaient de l’assistance d’un tiers, ce qui n’était au demeurant pas le cas des donataires et sa responsabilité ne présentait pas un caractère subsidiaire ;
Il avait également omis de prévoir, dans son acte, la limitation statutaire des droits de vote de l’usufruitier alors qu’il avait rappelé les autres conditions ;
il aurait dû se faire remettre les statuts de la société dûment modifiés ou acter que les parties s’engageaient à la modification statutaire en suite de l’acte ;
s’il n’avait pas rappelé cette condition, c’est bien qu’il ne la connaissait pas, raison pour laquelle au début du contrôle fiscal, il avait eu recours au CRIDON ;
de son propre aveu, il s’était contenté de s’en remettre aux recherches de l’avocat, sans procéder lui-même à des vérifications ;
dès lors son manquement existait, même s’il semblait moins important que celui de l’avocat, car sans l’intervention de ce dernier, il peut être supposé qu’il n’aurait pas manqué de rappeler la condition des modifications des statuts comme condition de l’exonération fiscale.
Par Michel Leroy – Avril 2019
Sources
Mots clefs
Transmission à titre gratuit démembrement de propriété modification statutaire – Suivie – Responsabilité (oui)