Voici une question classique en droit des sociétés. En cas de démembrement de titres sociaux, qui est associé ? L’usufruitier ? le Nu-propriétaire ? ou les deux ?
La loi est muette sur ce point se contenant de préciser les prérogatives juridiques que l’usufruitier peut exercer : il peut participer aux décisions collectives, il peut voter au moins sur les décisions relatives à l’affectation des bénéficies en fin d’exercice, il a droit aux dividendes.
Par un avis en date du 1er décembre 2021 (Cass. com., avis, 1er déc. 2021, n°20-15.164, J. c/ J. et SCI Veuliah), la chambre commerciale exprime clairement la position selon laquelle l’usufruitier n’est pas un associé.
L’avis est articulé autour des dispositions de l’article 578 du Code civil ( l’usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre à la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d’en conserver la substance) et de l’article 39, alinéas 1 et 3, du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978, dans sa version applicable aux termes duquel un associé non-gérant d’une société civile peut à tout moment, par lettre recommandée, demander au gérant de provoquer une délibération des associés sur une question déterminée.
Pour la Cour de cassation, « Il résulte de la combinaison de ces textes que l’usufruitier de parts sociales ne peut se voir reconnaître la qualité d’associé, qui n’appartient qu’au nu-propriétaire, mais qu’il doit pouvoir provoquer une délibération des associés sur une question susceptible d’avoir une incidence directe sur son droit de jouissance ».
Cette position n’est pas surprenante. En 2016, la troisième chambre civile de la Cour de cassation avait déjà implicitement, mais nécessairement affirmé que l’usufruitier n’était pas associé (Cass. Civ. 3e 15 septembre 2016, Dr. Soc. 206 Com. 184 note H.Hovasse).
L’usufruitier d’une société civile n’est donc pas associé, mais jouit des prérogatives de l’associé. Ce qui attire l’attention dans cet avis, ce n’est pas tant l’affirmation de cette absence de qualité (que l’on peut discuter, mais qui semblait déjà acquis par la troisième chambre civile) que l’affirmation du principe selon lequel l’usufruitier peut provoquer une délibération des associés sur une question susceptible d’avoir une incidence directe sur son droit de jouissance.
Il en résulte incontestablement que si les droits de vote ont été étendus par les statuts, sa jouissance s’en trouvant ainsi augmentée, l’usufruitier pourra toujours provoquer une telle délibération. Mais en l’absence d’une telle modification statutaire ? Sa possibilité de provoquer une délibération semble dans ce cas, très exceptionnelle, puisque la question à l’ordre du jour doit avoir une incidence directe sur son droit de jouissance…
Par Michel Leroy – Janvier 2022
Mots clefs
Parts sociales, usufruitier – qualité d’associé (non)
Thématique
Démembrement de propriété – Société civile