Renonciation à une assurance vie et abus actualités

Depuis 2016 (Cass. 2e civ., 19 mai 2016, n° 15-12.767), la Cour de cassation affirme de façon constante que l’exercice par le contractant de sa faculté de renonciation prorogée par le non-respect par l’assureur de ses obligations d’information visées par l’article L. 132-5-2 est discrétionnaire, mais que son exercice peut dégénérer en abus.
Ce revirement a été vu comme une application aux situations anciennes de la réforme opérée par la loi n° 2014-1662 du 30 décembre 2014, qui a modifié l’article L. 132-5-2 en subordonnant la renonciation à la bonne foi du souscripteur.
Cependant, si cette jurisprudence participe du même esprit, elle n’exprime pas la même technique juridique puisque c’est l’abus dans l’exercice de la faculté de renonciation et non la mauvaise foi du contractant qui permet de priver la renonciation de toute activité.
L’abus renvoie à l’idée de détournement de la finalité du droit exercé. Le juge doit donc vérifier, en tenant compte de critères appréciés au jour de la renonciation des raisons qui ont justifié la renonciation.
La prorogation du délai de renonciation est une sanction de l’absence de délivrance du formalisme informatif ;
Si les circonstances établissent que le contractant n’avait nullement besoin d’être protégé par ce formalisme, au jour de la renonciation, il apparaît alors que ce droit a été exercé dans le but de faire supporter les pertes du contrat par l’assureur.
Peu importe donc l’encours du contrat d’assurance vie. Il peut y avoir un abus à renoncer à un contrat de 12 000 € (montant du contrat dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 07 février 2019. Cass 2e civ., 7 février 2019, 17-27.223) alors que le contractant peut être dans son droit de renoncer à un contrat de 500 000 € ;
Pour apprécier si l’assuré commet un abus, il est indispensable d’apprécier sa situation concrète lors de l’exercice de son droit. Plusieurs critères peuvent aider le juge dans cette recherche :

  • La date d’exercice de la renonciation
  • La compétence financière du contractant
  • Son expérience en matière d’assurance vie et d’unités de compte

Pour la Cour régulatrice, « les juges doivent rechercher, au regard de la situation concrète du renonçant, de sa qualité d’assuré averti ou profane et des informations dont il disposait réellement, quelle était la finalité de l’exercice de son droit de renonciation » (Cass. 2e, 5 octobre 2017, 16-19.565).
L’arrêt de 2019 s’inscrit dans cette ligne. Il précise cependant que ces critères doivent être recherchés à la date d’exercice de la faculté de renonciation.
En l’espèce, pour la Cour d’appel, le contractant était en droit de renoncer au contrat parce que le fait que le contractant ait été directeur d’une société de production de produits laitiers et disposait d’un patrimoine immobilier d’environ 150 000 euros, essentiellement constitué de sa résidence principale, ne permettait pas de le qualifier d’assuré averti, ses connaissances spécifiques dans le domaine financier n’étant nullement démontrées ; Il ne pouvait être déduit du seul fait que M. X… a exercé son droit de renonciation neuf années après la souscription du contrat que ce dernier est de mauvaise foi et a commis un abus de droit dans l’exercice de celui-ci.

Par Michel Leroy – Mars 2019

Sources

Mots clefs

Assurance Vie multi-supports – Faculté prorogée de renonciation – Droit discrétionnaire – Exercice abusif

Thématique

Assurance-vie

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