Quelles conséquences liquidatives résultent de l’acquisition de la nue propriété d’un bien financé en tout ou en partie par une somme d’argent donnée par un ascendant qui achète l’usufruit ?
La donation étant établie (c’est notre pétition de principe), la question principale que soulève cette difficulté est alors la suivante : au décès du donateur, qu’elle valeur le notaire liquidateur devra-t-il prendre en compte dans les opérations liquidatives ? La somme d’argent, la valeur de la nue propriété réévaluée au jour du décès (pour la réunion fictive) ou du partage (pour le rapport), la valeur de la pleine propriété du bien ou la fraction de celle-ci correspondant au financement par la donation ?
De prime abord, la réponse semble donnée par l’article 860-1 du Code civil : « Le rapport d’une somme d’argent est égal à son montant. Toutefois, si elle a servi à acquérir un bien, le rapport est dû de la valeur de ce bien, dans les conditions prévues à l’article 860 ».
Pour la réunion fictive, aucun texte ne vise expressément une solution équivalente à celle de l’article 860-1 du Code civil.
Cependant , selon l’article 922 du Code civil, « Les biens dont il a été disposé par donation entre vifs sont fictivement réunis à cette masse, d’après leur état à l’époque de la donation et leur valeur à l’ouverture de la succession, après qu’en ont été déduites les dettes ou les charges les grevant. Si les biens ont été aliénés, il est tenu compte de leur valeur à l’époque de l’aliénation. S’il y a eu subrogation, il est tenu compte de la valeur des nouveaux biens au jour de l’ouverture de la succession, d’après leur état à l’époque de l’acquisition.
Toutefois, si la dépréciation des nouveaux biens était, en raison de leur nature, inéluctable au jour de leur acquisition, il n’est pas tenu compte de la subrogation ».
Ce texte vise expressément un mécanisme de subrogation qui n’à aucune raison d’exclure les sommes d’argent.
Telle est d’ailleurs la position de la Cour de cassation : la subrogation prévue par l’article 922, alinéa 2 inclut toutes les donations, y compris celles de sommes d’argent sans distinguer entre l’emploi de deniers donnés et le remploi de deniers provenant de la vente du bien donné » (Cass. 1re civ., 4 juin 2007, n° 06-14.473).
De sorte qu’une solution semble s’imposer par elle-même : ni le rapport ni la réunion fictive ne peuvent être calculés sur la valeur de la somme d’argent donnée.
Le notaire doit nécessairement tenir compte de la valeur de la pleine propriété de l’actif dans la proportion du financement par don de sommes d’argent dans les opérations liquidatives. La solution est certaine en cas de donation de la nue-propriété d’un actif (Cass. 1re civ., 28 sept. 2011, n° 10-20.354).
Telle est également la position de la Cour de cassation dans cette hypothèse : « Qu’en statuant ainsi, alors qu’il ressortait de ses propres constatations que Christian Briquet avait employé la somme d’argent donnée par sa mère à l’acquisition de la nue-propriété d’un bien immobilier, ce dont il résultait que c’est la valeur de ce bien au jour de l’ouverture de la succession, d’après son état à l’époque de son acquisition, qui devait être réuni fictivement à la masse de calcul de la réserve héréditaire et de la quotité disponible, en vue de déterminer une éventuelle réduction, la cour d’appel a violé le texte susvisé » (Cass. 1re civ., 17 oct. 2019, n° 18-22.810, F-P+B+I)
Par Michel Leroy – Avril 2020
Mots clefs
Droit des biens – Succession
Thématique
Rapport – Réduction – Don de somme d’argent – Usufruit