Cass. Com, 14 novembre 2018, n°17-15168
L’apport de biens dans une société facilite de bien des façons leur transmission et permet de diminuer l’assiette taxable par application de décote. La plus connue est sans aucun doute la décote pour illiquidité. Mais ce n’est pas la seule qu’il est envisageable d’appliquer.
Ainsi, la jurisprudence reconnait la possibilité d’appliquer une décote pour fiscalité latente. Le conseil d’état l’a en particulier admis pour des sociétés d’investissements immobiliers (1e espèce : CE 26 février 2016 no 382364, 8e et 3e s.-s., SA Klépierre).
En revanche, la Cour de cassation refuse d’appliquer cette décote à une société civile de gestion de biens immobiliers.
Dans cette affaire, l’administration fiscale notifia au titulaire de parts sociales d’une SCI à l’IR une proposition de rectification de l’ISF, en raison d’une sous-estimation de ces parts.
Après saisine de la commission départementale de conciliation, puis rejet de sa réclamation et mise en recouvrement des impositions éludées, assorties de pénalités de retard, Mme Y… a saisi le tribunal de grande instance aux fins de décharge.
Pour sa défense, la redevable fit valoir différents arguments dont celui-ci : la valeur vénale des titres d’une société non cotée doit être appréciée compte tenu de tous les éléments dont l’ensemble permet d’obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qu’aurait entraîné le jeu normal de l’offre et de la demande à la date du fait générateur ; pour évaluer les titres d’une SCI non cotée, différents abattements peuvent être pratiqués, en particulier pour tenir compte, selon les usages du marché, de la fiscalité latente ; que celle-ci résulte de l’inconvénient que présente, pour l’acquéreur de titres d’une société civile immobilière, l’existence de plus-values latentes sur les immeubles qui figurent à l’actif de ladite société, dès lors qu’à concurrence desdites plus-values, lesdits immeubles ne pourront pas être amortis par l’acquéreur et que s’ils sont ensuite vendus, il sera imposé sur ces plus-values.
L’argument ne convainc pas la Cour de cassation : la commission départementale de conciliation avait estimé qu’il n’y avait pas lieu de prendre en compte les impositions latentes invoquées sur les immeubles appartenant aux SCI pour la détermination de la valeur des parts de celles-ci, dès lors d’abord qu’il ne s’agissait pas d’un passif réel pour le détenteur de titres. D’autant plus que leur estimation par la méthode de la valeur de productivité excluait la prise en compte du passif.
La Cour de cassation approuve enfin la Cour d’appel d’avoir considéré qu’il n’y avait pas lieu à décote supplémentaire au titre des plus-values latentes sur la cession des immeubles dès lors que la cession des immeubles de chacune des SCI était en l’état purement hypothétique puisque l’objet de ces dernières était la gestion de leur patrimoine immobilier pour en obtenir des revenus, et qu’une opération de cession des parts sociales était plus probable.
Par Michel Leroy – Janvier 2019
Pour aller plus loin
Mots clefs
Parts sociales – évaluation – décote – fiscalité latente