En dépit de son utilisation pratique assez rare, l’EIRL soulève des questions juridiques essentielles. Dans l’affaire en présence, il s’agissait de savoir s’il était possible pour l’entrepreneur individuel, qui peut potentiellement faire l’objet d’une procédure collective pour le patrimoine affecté, d’être l’objet d’une procédure de surendettement des particuliers pour le patrimoine non affecté. Les faits étaient pour le moins classiques. Un entrepreneur, qui avait organisé son activité professionnelle avec une EIRL était l’objet d’une procédure collective. Ce dernier, rencontrant par ailleurs des difficultés pour payer des dettes non professionnelles, avait sollicité une commission de surendettement des particuliers laquelle avait déclaré recevable sa demande. L’un des créanciers non professionnels avait alors formé un recours contre cette décision, au motif que l’existence de l’EIRL rendait le débiteur éligible aux seules procédures collectives, à l’exclusion des procédures de surendette-ment des particuliers. Cet argument avait été retenu par le Tribunal d’instance statuant sur cette irrecevabilité et c’est précisément ce jugement qui était soumis à la censure de la Cour de cassation. Dans un arrêt rendu le 27 septembre 2018, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation casse le jugement. L’apport de cet arrêt est d’exprimer très clairement que la sou-mission aux procédures collectives de l’EIRL pour le patrimoine affecté n’exclut pas l’intervention d’une procédure de surendette-ment pour le patrimoine non affecté. Cette solution est rendue au double visa des articles L. 526-6 du Code de commerce et L. 711-7 du Code de la consommation (ancien article L. 333-7) dans les termes suivants « selon le premier de ces textes,… tout entrepreneur individuel peut affecter à son activité professionnelle un patrimoine séparé de son patrimoine personnel, sans création d’une personne morale ; qu’il résulte du second que les dispositions régissant le traitement des situations de surendettement sont applicables au débiteur qui a procédé à une déclaration de constitution de patrimoine affecté conformément à l’article L. 526-7 du Code de commerce ; que ces dispositions s’appliquent à raison d’une situation de surendettement résultant uniquement de dettes non professionnelles ; qu’en ce cas, celles de ces dispositions qui intéressent les biens, droits et obligations des créanciers du débiteur s’appliquent dans la limite du seul patrimoine non affecté ». La Cour en déduit ensuite que le fait que l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée relève pour le patrimoine affecté à l’exercice professionnel des procédures du Livre VI du Code de commerce ne suffit pas à exclure l’application des dispositions du Code de la consommation pour le patrimoine non affecté.Une telle consécration d’une application cumulative des procédures d’insolvabilité en présence de l’EIRL est une solution prévisible et parfaitement justifiée. En effet, même si l’article L. 620-2 du Code de commerce désigne par principe les personnes objets d’une procédure collective et érige en principe l’unicité de procédure découlant du principe d’unité du patrimoine, l’on comprend qu’une tout autre solution soit retenue pour l’EIRL. L’EIRL venant scinder le patrimoine de l’entrepreneur en deux, l’un affecté et l’autre non affecté à l’activité professionnelle, il faut ici raisonner non plus par rapport au débiteur, mais par rapport aux deux patrimoines de ce dernier. C’est pourquoi l’ouverture d’une procédure collective pour le patrimoine affecté n’exclut pas l’ouverture d’une procédure de surendettement pour le patrimoine non affecté. En brisant la théorie de l’unité du patrimoine, l’EIRL permet de dé-passer l’équation selon laquelle un débiteur ne peut être l’objet d’une seule procédure.
Par Cécile Lisanti- Extrait de la lettre de la FNDP n°11 – Février 2019
Pour aller plus loin
Mots clefs
Loi Pacte – Loi EIRL