L’article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020, loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 a autorisé le gouvernement à prendre par ordonnances, dans un délai de trois mois, toutes mesures, nécessaires pour faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de l’épidémie de covid-19.
En particulier, ce texte autorise le gouvernement à prendre une ordonnance « permettant de reporter intégralement ou d’étaler le paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels et commerciaux et de renoncer aux pénalités financières et aux suspensions, interruptions ou réductions de fournitures susceptibles d’être appliquées en cas de non-paiement de ces factures ».
Tel fut l’objet de l’ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 relative au paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie de covid-19 (JO 26 mars, texte 37).
Selon ce texte, les bénéficiaires des mesures proposées sont « les personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique qui sont susceptibles de bénéficier du fonds de solidarité mentionné à l’article 1er de l’ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 susvisée » et … « celles qui poursuivent leur activité dans le cadre d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ».
Observations
Les bénéficiaires du report ou de l’étalement des loyers semblent donc de prime abord être les bénéficiaires de ce fonds de solidarité.
C’est l’ordonnance n° 2020-317 qui créa un fonds de solidarité pour une durée de trois mois (prorogeable par décret pour une durée supplémentaire maximum de trois mois). Il a pour objet « le versement d’aides financières aux personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation du covid-19 et des mesures prises pour en limiter la propagation ».
L’article 1er, alinéa 2, de l’ordonnance n° 2020-316, précise qu’un décret déterminera les critères d’éligibilité à ces dispositions.
Tel est l’objet du décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 « relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation ».
Comme toujours ce texte démontre la qualité du génie français. Puisque le texte exige pas moins pour bénéficier de ce fonds la réunion de neuf conditions cumulatives d’éligibilité relatives à leur niveau d’activité avant la crise !
1) Elles ont débuté leur activité avant le 1er février 2020
2) Elles n’ont pas déposé de déclaration de cessation de paiement au 1er mars 2020 ;
3) Leur effectif est inférieur ou égal à dix salariés.
4) Le montant de leur chiffre d’affaires constaté lors du dernier exercice clos est inférieur à un million d’euros. Pour les entreprises n’ayant pas encore clos d’exercice, le chiffre d’affaires mensuel moyen sur la période comprise entre la date de création de l’entreprise et le 29 février 2020 doit être inférieur à 83 333 euros ;
5) Leur bénéfice imposable augmenté le cas échéant des sommes versées au dirigeant, au titre de l’activité exercée, n’excède pas 60 000 euros au titre du dernier exercice clos. Pour les entreprises n’ayant pas encore clos un exercice, le bénéfice imposable augmenté le cas échéant des sommes versées au dirigeant est établi, sous leur responsabilité, à la date du 29 février 2020, sur leur durée d’exploitation et ramené sur douze mois
6) Les personnes physiques ou, pour les personnes morales, leur dirigeant majoritaire ne sont pas titulaires, au 1er mars 2020, d’un contrat de travail à temps complet ou d’une pension de vieillesse et n’ont pas bénéficié, au cours de la période comprise entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020, d’indemnités journalières de sécurité sociale d’un montant supérieur à 800 euros ;
7) Elles ne sont pas contrôlées par une société commerciale
8) Lorsqu’elles contrôlent une ou plusieurs sociétés commerciales au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce, la somme des salariés, des chiffres d’affaires et des bénéfices des entités liées respectent les seuils fixés aux 3°, 4° et 5° ;
9) Elles n’étaient pas, au 31 décembre 2019, en difficulté au sens de l’article 2 du règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité.
Des conditions strictes donc pour pas grand-chose puisque ces entreprises, qui doivent en plus prouver avoir été l’objet d’une interdiction d’accueil du public intervenue entre le 1er mars 2020 et le 31 mars 2020 ou avoir subi une perte de chiffre d’affaires d’au moins 70 % durant cette même période, pourront bénéficier d’une subvention d’un montant forfaitaire de 1 500 € ! à la condition bien évidement que la perte de chiffre d’affaires au mois de mars 2020 fut au moins égale à ce montant.
Le décret n° 2020-378 du 31 mars 2020 qui précise les conditions d’application des dispositions relatives «au paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie de covid-19 », renvoie au décret 2020-371.
Ce décret précise les bénéficiaires de l’interdiction des suspension, interruption ou réduction, y compris par résiliation de contrat, de la fourniture d’électricité, de gaz ou d’eau et de l’obligation de report des factures dues pour ces fournitures.
Le décret précise également les catégories d’entreprises qui ne peuvent encourir de pénalités financières ou intérêts de retard, de dommages-intérêts, d’astreinte, d’exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance, ou d’activation des garanties ou cautions, en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents à leurs locaux professionnels et commerciaux.
Aux termes de ce texte, « Peuvent bénéficier des dispositions des articles 2 à 4 de l’ordonnance n° 2020-316 susvisée les personnes physiques et personnes morales de droit privé résidentes fiscales françaises exerçant une activité économique, remplissant les conditions et critères définis aux 1° et 3° à 8° de l’article 1er et aux 1° et 2° de l’article 2 du décret n° 2020-371 susvisé. »
Pour rappel, l’ 4 de l’ordonnance prévoyait que les personnes bénéficiaires du fonds de solidarité « ne peuvent encourir de pénalités financières ou intérêts de retard, de dommages-intérêts, d’astreinte, d’exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance, ou d’activation des garanties ou cautions, en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents à leurs locaux professionnels et commerciaux, nonobstant toute stipulation contractuelle et les dispositions des articles L. 622-14 et L. 641-12 du code de commerce. Les dispositions ci-dessus s’appliquent aux loyers et charges locatives dont l’échéance de paiement intervient entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai de deux mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 précitée ».
Cette neutralisation des sanctions bénéficient donc :
• aux entreprises au fonds de solidarité
• qui remplissent les deux conditions prévues à l’article 2 du décret n° 2020-371 : interdiction d’ouverture au public et perte de 70 % au moins de leur chiffre d’affaires au mois de mars 2020.
Les conditions de ce texte sont de nature à laisser de nombreuses entreprises hors du champ d’application de ce texte…
Mots clefs
Mesures exceptionnelles – Covid-19 – Suspension – Fonds de solidarité