La question de la localisation de la clause bénéficiaire est encore plus importante lorsque la personne est âgée et le risque d’abus de faiblesse élevé. L’arrêt rendu par la Cour de cassation (Cass. civ. 1re, 31 mars 2021, n°20-14.312)
Une personne décède en laissant à a succession sa sœur. La souscriptrice avait souscrit 08 ans avant sa mort à un contrat d’assurance dont la clause bénéficiaire était type. Quelques semaines avant sa mort, un avenant désigne comme bénéficiaires deux personnes. Cet avenant est modifié pour erreur matérielle, le 7 juillet 2014. Et le 18 aout 2014, soit 17 jours avant sa mort un nouvel avenant est rédigé, désignant sa sœur, sans que cet avenant soit signé par celle-ci. Il est envoyé à la compagnie d’assurance, avec cependant la mention suivante : « Je soussignée Madame I… T… demeurant au […] , déclare ne pas donner suite à cet avenant et de laissant en tant que bénéficiaire Mr D… P… né le […] ainsi que Mme V… D… née le […] » ; qu’il était ajouté d’une autre main « certifié exacte et ne plus en changer ».
A la suite du décès les fonds sont versés aux époux D…. La sœur assigna devant le TGI compétent, les époux D… et la compagnie d’assurance pour obtenir le paiement des sommes résultant Du contrat d’assurance vie. Il semble en effet que la rédaction du dernier avenant ne fut pas de la main de la mourante, mais de ceux qui reçurent effectivement les sommes après son trépas.
Devant les juges du fond, la demande contre la compagnie d’assurance fut rejetée au motif que la compagnie n’avait n’a pas eu connaissance d’éléments permettant de remettre en cause la désignation des époux D… en qualité de bénéficiaire en septembre 2014, d’autant plus l’assuré ne bénéficiait d’aucune mesure de protection juridique. En effet, aux termes de l’article L. 132-25 du Code des assurances, l’assureur est libéré de tout engagement lorsqu’il a payé de bonne foi.
Cette motivation est reprise par la Cour de cassation : «l ’arrêt retient que T… C… ne bénéficiait d’aucune mesure de protection juridique, de sorte que l’assureur ne disposait d’aucun élément objectif lui permettant de ne pas tenir compte des demandes successives de modification de la clause bénéficiaire du contrat d’assurance sur la vie. Il ajoute que l’assureur a été sollicité par trois écrits désignant M. et Mme D… en qualité de bénéficiaires, que l’avenant désignant postérieurement Mme M… n’a pas été régularisé par T… C… et lui a été retourné avec la mention manuscrite indiquant son choix définitif de M. et Mme D… comme bénéficiaires, suivie de sa signature, sans qu’aucun élément puisse attirer son attention sur l’authenticité de ces documents.
En l’état de ces constatations et appréciations, la cour d’appel a pu en déduire que l’assureur avait payé de bonne foi le capital à M. et Mme D… ».
L’assureur n’est pas tenu de vérifier, lorsqu’aucun élément ne lui permet de doute de la régularité de l’acte d’avenant, de la réalité du consentement de l’assuré. C’est une contrepartie logique à la liberté de choix de la forme de la désignation bénéficiaire. Celle-ci peut être effectuée hors la présence de l’assureur.
L’infortunée sœur n’est pas cependant privée de recours. En effet, s’il est établi que la clause manuscrite est un faux en écriture privée, la sœur pourra se retourner contre le bénéficiaire apparent pour obtenir restitution, sur le fondement de la répartition de l’indu (Cass. 2e civ., 13 juin 2019, n° 18-14.954).
C’est évidemment moins intéressant pour la demanderesse qu’un recours contre une compagnie d’assurance. Une personne qui imite la signature d’une autre pour encaisser les fonds de l’assurance vie a déjà sans doute anticipé une telle possibilité et organisé son insolvabilité.
Mots clefs
Clause bénéficiaire – contrôle de l’assureur (non) – bonne foi – libération
Thématique
Assurance vie