Lorsqu’une cession d’une société commerciale est envisagée, l’apport des titres à une société holding ne peut être fiscalement intéressant que si la cession intervient au moins trois ans après l’apport des titres.
En effet, L’article 150-0 B du CGI institue un dispositif de sursis d’imposition de la plus-value d’échange réalisée notamment dans le cadre d’une opération d’apport de valeurs mobilières ou de droits sociaux à une société de capitaux soumise à l’impôt sur les sociétés.
Et l’imposition des plus-values réalisées à l’occasion d’un apport de titres à une société soumise à l’impôt sur les sociétés, et contrôlée par l’apporteur, est soumise à un régime de report d’imposition (150-0 B ter).
Lorsque les conditions de l’article 150-0 B ter du CGI sont réunies, le montant de la plus-value est cristallisé au jour de l’apport, mais son imposition est reportée à la survenance de certains événements.
Le report expire en cas de :
Cession à titre onéreux, rachat, remboursement ou annulation des titres reçus en rémunération de l’apport ou des parts ou droits dans les sociétés ou groupements interposés ;
Cession à titre onéreux, rachat, remboursement ou annulation des titres apportés dans les 3 ans à compter de l’apport sauf si la société prend l’engagement d’investir dans un délai de 2 ans à compter de la date de la cession, 60 % au moins du produit de la cession (le taux de réinvestissement était de 50 % pour les cessions de titres apportés réalisées avant le 31 décembre 2018).
Quel est donc l’objet de réinvestissement éligible ?
- a) financement d’une activité opérationnelle (activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière, à l’exception de la gestion de son propre patrimoine mobilier ou immobilier)
- b) acquisition d’une fraction du capital d’une société située en France, dans l’UE ou dans un État parti à l’accord sur l’EEE ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales, exerçant une telle activité et qui a pour effet de lui en conférer le contrôle ; Cette condition est supprimée par la loi de finances pour 2020. L’acquisition de titres suffit dès lors que la société est partie à un pacte d’actionnaires et détient plus du quart du capital et des droits de vote.
- c) souscription en numéraire au capital initial ou à l’augmentation de capital d’une ou plusieurs sociétés exerçant une des activités ICAL ou ayant pour objet social exclusif de détenir les participations
- d) L’article 115 de la loi de finances pour 2019 a ajouté une quatrième possibilité de réinvestissement d’une partie du produit de la cession des titres apportés en report d’imposition, tenant à la souscription de parts de structures de capital investissement ayant vocation à investir dans le capital d’entreprises opérationnelles soit en raison d’investissements réalisés lors de la souscription initiale du capital ou lors d’une augmentation de capital ou encore hors de ces opérations (dans ce dernier cas, jusqu’à la loi de finances pour 2O20, il fallait que cette acquisition confère le contrôle. Cette condition est supprimée. (CGI, art. 150-0 B ter, I, 2° modifié) dont l’actif est constitué à hauteur au moins de 75 % de titres de sociétés opérationnelles.
Aux termes de l’article 150-0 B ter, Lorsque le produit de la cession est réinvesti dans les conditions prévues au présent 2°, les biens ou les titres concernés sont conservés pendant un délai d’au moins douze mois, décompté depuis la date de leur inscription à l’actif de la société. Toutefois, les parts ou actions de fonds, sociétés ou organismes souscrits dans les conditions du d du présent 2° sont conservés jusqu’à l’expiration du délai de cinq ans mentionné au même d. Le non-respect de cette condition de conservation met fin au report d’imposition au titre de l’année au cours de laquelle cette condition cesse d’être respectée.
Cette condition interdit les réinvestissements successifs dans des activités éligibles au cours du délai de 12 mois.
La société peut donc être contrainte de conserver certains investissements au seul motif que leur cession entraînerait une remise en cause du report d’imposition dont bénéficie la plus-value d’apport.
L’application de ces principes pose problème en cas de clause d’earn out
La clause d’earn out permet, dans le cadre d’une cession d’entreprise, de fixer une partie du prix payé par l’acquéreur sur les performances futures de l’entreprise.
CGI : 150-0 A I 2 : Le complément de prix reçu par le cédant en exécution de la clause du contrat de cession de valeurs mobilières ou de droits sociaux par laquelle le cessionnaire s’engage à verser au cédant un complément de prix exclusivement déterminé en fonction d’une indexation en relation directe avec l’activité de la société dont les titres sont l’objet du contrat, est imposable au titre de l’année au cours de laquelle il est reçu.
Le CGI répond clairement à cette question : Pour chaque complément de prix perçu, la société dispose d’un nouveau délai de deux ans à compter de la date de sa perception pour réinvestir, dans les conditions prévues au présent 2°, le reliquat nécessaire au maintien du respect du seuil minimal de 60 % du montant du produit de la cession défini à la première phrase du présent alinéa. A défaut, le report d’imposition prend fin au titre de l’année au cours de laquelle le nouveau délai de deux ans expire ;
Par Michel Leroy – Février 2020
Mots clefs
Impôts – Value-report – Réinvestissement