La-personnalite-juridique-de-la-societe-est-une-realite-actualites

Il est classique, pour la gestion de son patrimoine privé, de constituer une société afin de permettre la sécurisation de son patrimoine en isolant certains de ses actifs ou encore pour anticiper sa transmission, l’interposition d’une société favorisant l’allotissement des bénéficiaires de la libéralité et étant également de nature à en diminuer le coût fiscal. Pour atteindre pleinement ces objectifs, l’apporteur doit absolument veiller à ce que la structure n’encoure pas le risque de fictivité : la société dotée de la personne morale étant un être juridique à part entière, celle-ci doit être animée d’une volonté propre, exprimée par ses organes sociaux. Il est donc nécessaire de veiller à la tenue des assemblées.

Cette volonté propre est finalisée, puisque tendue vers un objectif, la réalisation de l’objet social en vue du partage des résultats de cette activité. La société doit donc avoir les moyens de réaliser son objet social. Celle-ci doit donc avoir une substance économique. Ces précautions prises permettent à l’associé de tirer avantage de la personne morale.

Ainsi grâce à elle, une personne physique peut en favoriser une autre sans que l’opération réalise une donation, l’interposition de la société faisant parfois échec à cette qualification. Il en va ainsi par exemple pour les mises en réserves des bénéfices par l’usufruitier, qui juridiquement ne constituent pas une donation de dividendes au profit du nu-propriétaire. Ainsi encore le fait pour une société de décider en assemblée de modifier les droits de vote des actionnaires respectifs ne constitue pas une atteinte à l’irrévocabilité des donations même si l’actionnaire majoritaire était le donateur des titres dont les droits de vote ont été minorés (Cass. com., 7 mai 2019, n° 17-14.439)

Cependant, parfois cette interposition est parfois préjudiciable à l’associé.

Nous avons vu récemment que la société peut être considérée comme étant partie à une donation, soit en qualité de donataire, soit même en qualité de donateur, ce qui peut être dévastateur en termes de droits de mutation à titre gratuit. En voici une autre illustration.

Ainsi, la Cour de cassation, le 19 septembre 2019 (Cass.1ère civ. 19 septembre 2019,n°18-15.398) a t-elle rappelé qu’en cas d’emprunt consenti à une société, les obligations de conseil ou le devoir de mise en garde de la banque s’appréciaient par rapport à la société et non par rapport aux associés eux-mêmes, fussent-ils tenus au paiement des dettes sociales ( la solution n’est pas nouvelle : V. Antérieurement Cass. com., 11 avr. 2018, n° 15-27.133, FS-P+B ).

C’est donc uniquement en la personne du dirigeant que le caractère profane ou averti du débiteur s’apprécie. Et cette solution doit à notre sens s’appliquer même lorsque les statuts exigeaient que la souscription de l’emprunt soit approuvée par l’assemblée des associés. Ainsi encore, une cour d’appel a pu juger (Rennes, 1re chambre, 18 juin 2019, n° 17/04266) que le donataire tenu d’une charge de ne pas aliéner le bien reçu, viole cet engagement en apportant l’actif à une société, fut-elle contrôlée par lui.

EN BREF :

Évaluation de l’usufruit de titres

Conseil d’État, 9e et 10e chambres réunies, 30 Septembre 2019 – n° 419855

La valeur vénale des titres d’une société non admise à la négociation sur un marché réglementé doit être appréciée compte tenu de tous les éléments dont l’ensemble permet d’obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qu’aurait entraîné le jeu normal de l’offre et de la demande à la date où la cession est intervenue. L’évaluation des titres d’une telle société doit être effectuée, par priorité, par référence au prix d’autres transactions intervenues dans des conditions équivalentes et portant sur les titres de la même société ou, à défaut, de sociétés similaires. En l’absence de telles transactions, celle-ci peut légalement se fonder sur la combinaison de plusieurs méthodes alternatives. En cas de démembrement de droits sociaux, l’usufruitier, conformément à l’article 582 du Code civil qui lui accorde la jouissance de toute espèce de fruits, n’a droit qu’aux dividendes. L’évaluation du revenu futur attendu par un usufruitier de parts sociales ne peut avoir pour objet que de déterminer le montant des distributions prévisionnelles qui peut être fonction notamment des annuités prévisionnelles de remboursement d’emprunts ou des éventuelles mises en réserves pour le financement d’investissements futurs, lorsqu’elles sont justifiées par la société. Par suite, commet une erreur de droit la cour jugeant que la méthode d’évaluation de la valeur de l’usufruit acquis par la requérante, retenue par l’administration et fondée sur les résultats imposables prévisionnels de la société, était régulière alors qu’il convenait de déterminer cette valeur sur la base des distributions prévisionnelles.

Indivision et taxe d’habitation

Conseil d’État, 9e et 10e chambres réunies, 30 Septembre 2019 – n° 419384

Lorsque la taxe d’habitation a été établie, en raison de l’inoccupation des locaux au titre desquels elle est due, au nom d’une indivision successorale, l’obligation de payer incombant à chaque indivisaire ne saurait excéder ses droits dans l’indivision, dès lors qu’en application des dispositions des articles 815-17 et 1202 du Code civil précité, la solidarité ne s’attache pas de plein droit à la qualité d’indivisaire et ne se présume pas.

Par Michel Leroy – Octobre 2019

Mots clefs

Droit des sociétés – Personnalité juridique – Emprunteur

Thématique

Droit des sociétés

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