Lorsqu’une résidence de jouissance doit supporter de très importants travaux, il peut être tentant pour son propriétaire de créer les conditions propres à lui permettre la déduction des intérêts d’emprunt de leur revenu global.
A cette fin, il est nécessaire d’écarter l’application du II de l’article 15 du CGI, selon lequel les revenus des logements dont le propriétaire se réserve la jouissance ne sont pas soumis à l’impôt sur le revenu. Il découle en effet de ce texte les charges correspondantes à cet actif ne sont pas déductibles.
De prime abord, l’apport ou la vente du bien à une société civile contrôlée par le propriétaire du bien et la signature d’un contrat de bail est de nature à permettre d’atteindre le résultat recherché.
La technique du OBO immobilier, en présence de travaux importants à réaliser sur l’actif cédé, semble de nature à présenter de nombreux intérêts, en particulier si la société comprend déjà des actifs de rendement :
- La déduction des intérêts d’emprunt des revenus fonciers
- La possibilité de constater un déficit foncier en raison des travaux de rénovation réalisée sur l’immeuble nouvellement acquis
- La réorganisation du patrimoine résultant de l’investissement du prix de cession, par exemple sur des actifs immobiliers.
Le montage n’est cependant pas sans risque.
Tout d’abord, les dispositions de l’article 15 , II du CGI ne seront effectivement écartées que si le loyer est réellement payé. La preuve d’une location fictive entraîne l’application de ce texte (BOI-RFPI-CHAMP-20-20-20130225, n° 50).
En l’espèce, deux époux et leurs deux enfants ont constitué ensemble en 1989 une SCI dont l’objet est l’exploitation d’un patrimoine locatif (habitation et bureaux).
En 1992, monsieur fait acquisition d’un immeuble à Biarritz à titre de résidence secondaire du couple. La SCI achète la résidence en 1996 et est immédiatement louée au couple.
La Société étant à l’IR, les époux constatent un déficit foncier résultant pour l’essentiel des travaux d’entretien et de rénovation réalisés sur l’immeuble de Biarritz.
Pour l’administration fiscale, la vente puis la mise en location de la résidence secondaire sont constitutives d’un abus de droit au sens de l’article 64 du LPF.
En effet, pour l’administration l’opération avait pour but exclusif de faire échec à l’application des dispositions du II de l’article 15 du code général des impôts, selon lesquelles les revenus des logements dont le propriétaire se réserve la jouissance ne sont pas soumis à l’impôt sur le revenu et dont il se déduit que les charges correspondantes ne sont pas déductibles.
En l’espèce, la réalité de la société, existant antérieurement à l’opération, ne pouvait pas être discutée. Il en résulte que la location n’était pas en elle-même fictive. Ce n’est pas en effet, l’ancien propriétaire qui loue à son conjoint tout en occupant le logement, hypothèse d’application de l’article 15, II : CE, 16 janvier 1974, n° 82379 : un époux marié sous le régime de la séparation de biens a, en vertu d’un contrat de bail régulier, donné en location à son conjoint, moyennant un loyer que celui-ci a effectivement payé, le bien qu’ils habitent ensemble.
Le loyer était effectivement payé par les époux à la société civile : il ne pouvait donc y a voir abus de droit que s’il était établi à la fois que les redevables avaient poursuivi un but exclusivement fiscal, contraire aux objectifs de la loi ;
Cette seconde condition n’avait pas été caractérisée par la Cour d’appel en l’espèce et l’arrêt fut logiquement annulé.
Cependant, aux termes de l’article L. 821-2 du Code de justice administrative, « S’il prononce l’annulation d’une décision d’une juridiction administrative statuant en dernier ressort, le Conseil d’État peut ( .. ) régler l’affaire au fond si l’intérêt d’une bonne administration de la justice le justifie ».
Ce qu’il fit en l’espèce. Le Conseil d’État releva tout un ensemble de circonstances établissant la recherche d’un but exclusivement fiscal :
- En transférant à la SCI, dont ils détenaient avec leurs enfants la totalité des parts, la propriété de la villa de Biarritz, qui avait appartenu pendant plusieurs années à M. B…, et en concluant avec cette dernière un bail locatif, pour en conserver la jouissance, M. et Mme B… ont créé les conditions leur permettant d’imputer sur leur revenu global, en dépit des prévisions du II de l’article 15 précité du code général des impôts et à hauteur de leurs droits dans la société, des charges liées aux travaux engagés dans cette maison.
- De plus, les travaux ont pour l’essentiel été engagés après ce transfert de propriété et financés par des apports personnels de M. B… depuis son compte courant d’associé dans la SCI alors que le loyer versé correspondait aux échéances de remboursement de l’emprunt contracté pour l’acquisition de la villa.
Pour établir la contrariété avec les objectifs de la loi, le Conseil d’État (CE, 9e – 10e ch. réunis, 8 févr. 2019, n° 407641,) rappelle tout d’abord que « l’objectif poursuivi par le législateur était, d’une part, de simplifier le régime fiscal des propriétaires occupants compte tenu des difficultés qui s’attachent à l’évaluation des loyers implicites qu’ils se versent à eux-mêmes et, d’autre part, de faire obstacle à la déduction du revenu imposable de déficits fonciers susceptibles, dans cette hypothèse, de résulter de la surévaluation des charges et de la sous-évaluation des revenus. »
Or, le montant du loyer perçu par la société contrôlée par les époux correspondait aux échéances de remboursement de l’emprunt contracté pour l’acquisition de la villa, et non à la valeur d’usage de la villa qui avait augmenté de façon importante en raison des travaux réalisés, ce qui établit que la SCI ne s’est pas comportée avec ses associés comme avec des tiers. » En d’autres termes, les époux se sont placés dans une situation de sous évaluation des loyers.
Par Michel Leroy – Mars 2019
Sources
Mots clefs
OBO Immobilier – Résidence secondaire – Paiement d’un loyer – Charges déductibles (NON) – Abus de Droit